V
Éphémère
Il est possible que plus personne ne s’émeuve de nos pertes de pouvoir, de nos attentes.
L’alliance a disparu nous sommes si solitaires en ce désastre de n’être à peine de naître déjà vaincu car nous ne savons périr.
Grandir.
Avant que l’aventure cède, il faut sceller nos poings, multiplier les rires partout dans les recoins, surgir indemne de l’ivresse sombre.
Garder le goût du bête
Le sel de l’imbécile
La souplesse de l’idiot
La feinte naïve
Le regard sot
Revendiquer
Du blanc ! Du blanc ! Du blanc !
..
Il est des horizons
Il est des terminus
des haltes éphémères
survenues sans signal
Le temps s’est arrêté
suspendu au présent
à tes mots
aux promesses au délire
Il est un lieu
sur nulle carte dessiné
le point d’orgue précis
Seuls les corps le retiennent.
..
Dans ma main
Des lignes se croisent
Elles racontent mon âge,
mes chemins, mes dérives.
Lorsque je serre ma paume…
Comme elles sont nombreuses !
Il y a des vallons
De profonds sillons
Des crêtes et des plaines
Des marques familières.
Ma paume tendue
des plateaux apparaissent
Le temps s’en est allé.
Tout est lisse et gracieux.
Par elles je suis d’ici et d’ailleurs.
Mes mains sont paysages,
j’y voyage en silence.
..
Le tut de la trompette
Bref
Me tire du lit ce matin
Mes cheveux sont coiffés
Mes dents sont brossées
Mes yeux sont lavés
Mes rêves oubliés
Je m’en souviendrai à midi
Lorsqu’entre deux carottes, un poisson carré, un yaourt terne
Traversera d’un coup d’un élan magnifique le cavalier brillant
que je fus cette nuit
domptant la muraille
Le self s’ouvrira
J’irai dans la campagne
M’ébattre dans l’herbe verte
j’irai jusqu’à la mer
Jusqu’à l’ile lointaine
Parmi les perroquets.
..
Un drôle de minuteur
S’appelle mon cœur
Il bat
Un coup ci un coup là
Un coup ci
un coup là
Je ne l’éteins jamais
Lorsque après toi je cours, lui court à cent à l'heure
Souvent la nuit, il ralentit
Je sais qu’un jour il s’arrêtera
Si tous les cœurs se mettaient sur haut parleur
quel joli tintamarre couvrirait le bruit des guerres, des machines infernales
Si tous les cœurs se mettaient sur haut parleur
je perdrais le chant des oiseaux, le murmure de l’eau, le souffle du vent, le bourdon de l’abeille, le strident des cigales, l’appel au lointain, le silence
Mais mon cœur est ainsi, il joue en sourdine,
Un coup ci un coup là
Le monde à l'envers
Je me méfie des ours
Ils ont la barbe rousse
Leurs grands yeux tout mouillés ressemblent à des gobelets
Hier j’en ai vu un
Il avait de grands pieds et un NEZ
Un nez qui coulait
Des larmes d’ours salées
Je lui ai donné mon mouchoir
Il a fait pouët dedans, puis s’en est allé
Sans même me remercier
Je me méfie des ours
Quand dans la nuit glacée
Le vent claque ma porte
mon ours est affolé
Et finalement c’est moi qui doit le consoler !
IV
Sous nos cagoules la lumière En première onde Le chant de l’eau Les vibrations nerveuses des solistes agitent la membrane fine de leurs cordes vocales J’ai pleuré Moi je ne pleure plus Suspendues Des voiles battent le pas glorieux des oies grêles
Ainsi Nous sommes Parvenus au seuil d’Impossible
Pays méconnu émergé de la glaise foutaise tiède de la mélancolie divine
de ça
Nous n’avions pas la crainte
Mais de la perte des Chers
De nos ardeurs De l’absolue croyance en Nous
Un mur est élevé le présent frein le désir proche
Oh là
Du musée des souvenirs de photos et de dates Leur parfum glisse fantôme sous le jour de la porte Il n’y a plus beaucoup de trains me dis tu Les voix signalent des destinées L’horizon de peine s’ouvre D’un relief prêt à bâtir que faut-il bien attendre Je demande où sont nos plaisances l’errance les contes à rien n’y perdre l’aventure les pieds sales l’insolente indifférence et le sol des humeurs badines
..
Tu le sais la nuit ne porte rien d’autre que des ennuis. Ces créatures nous attirent au centre de nous même, confectionnent les plis de nos lits couverts de roses, roses ou bleues.
Comme le crachin de la pluie hypnotise l’oreille seule, la lune pleine ogresse de lumière me convie au silence, sidère de présences étranges le sous bois et le désert ouvert. J’ai marché jusqu’à toi. Serrée.
..
Surgit un libre songe incandescent
je pense je dis
J’arracherai les ailes
les libellules n’iront nulle part
Je serai saoule de leur faiblesse
Ainsi je parlerai en cheffe
Lors la plume de ma tête s’accroche aux nuages.
Parfois tu es vraiment trop loin, mon coeur ne te voit plus.
Je rentre sous la pluie.
La poire, son frêle ruban jaune
rappelle les peaux dorées, le chant vague des autres mers.
..
Je ris et m’exaspère d’inutile.
Souviens moi,
la grâce des heures passées
vacille.
Le goudron jaillit des cales.
Sans la chaleur
le sel n’en fera rien.
Premier bouton crevé du gel. à force des temps, périt la beauté. Se pose, express et sans limite,
charrie la glu, gratte l’innocence.
Sombre le partage
lorsque blanche
l’animale blafarde
s’évanouit se noie
..
Alors on dirait que la nuit il resterait des oiseaux
Ils nous picoreraient
En vrai, tu voyais j’avais un coffre secret
Là tu voyais
t’essayais de sortir
ici ici
Là il y a une barrière tu pourrais pas partir
Là tu voyais j’essaierais de creuser
J’aurais des dents pointues
On était super copains
Et là tu disais
qu’est-ce que tu fais ?
Et là tous les deux
on avait glissé
On verrait le rayon de soleil
Je verrais le bord rouillé
Et si ça m’a fait ça,
ça veut dire que t’as des ongles, toi.
..
Je m’étais assoupie,
le désir est entré,
Viens, m’a-t-il dit.
..
Et du désir immense
S’en vint la certitude.
..
c’était rien, presque rien, un fil d’or dépassait un rayon tombé là à cueillir le regard stupéfait
III
Il était une heure
à peine le temps de se trouver un raccourci que déjà l’ambre changeait de couleur
les roses dressaient leurs pétales et les boutons flottaient comme des moutons emprunts de petits graillons.
Rien de plus rien de moins, ni trop fort ni trop bas. Crois tu que tu sauras montrer à temps que tu me veux vraiment ?
La fiancée.
Il est possible que d’ici peu nous n’aurons plus rien à nous dire
les mots toujours eux seront nauséabonds
je t’aimerai dans la solitude du silence
happés, mes yeux jetteront sur ton corps l’envie de me vautrer ailleurs que dans la nuit.
La crainte de la perte et autres exagérations.
Veux tu que je beurre de cacahuètes et que j’édredon de ton lit qu’au clair de lune j’étoile le ciel du sud d’un pyjama pilou pilou de tendres doudous à la moustache claire ?
Veux tu que nous soupirions du soir d’une poule au pot vernie d’être tombée sur nous, tendres âmes réunies dans la salon de ta grand mère ?
Veux tu, dans le musée vieilli qu’à cache cache perdus nos cris dans les couloirs résonnent les poings fermés de la puissance et de la gloire ?
Veux tu que je table d’un séjour, dans tes bras dévergondés, que même les sourds saisiraient la plainte lorsque les assiettes oubliées d’un festin inachevé basculeront sous nos assauts ?
Veux tu, que j’évanouisse de ton regard les ombres de la pluie tombée si drues si parvenues dans le silence et sur ma chair, que ma peau à ta peau s’enduisent, chacune, de l’eau de la prairie de sable couchée sous le soleil ?
Et que promesse est faite de ne plus saler mon met tant repue de ton sel à jamais sur mes lèvres.
Les bêtises de l’amour,
Le plaisir glisse hardi dans les saintes chapelles de nos effrontements.
Dis à Phane que je ne viendrai pas ce soir. Les bêtes m’ont retenue et me voici garante de leur sommeil; j’écoute sans surprise le souffle chaud de leur repos.
Concrètement.
Pourrai-je encore tenir, sans chaleur ? Je me suis arrêté là comme celui qui regarde et prend son temps. La carte est dans mon dos et le récit précis de mon enfermement l’accompagne. J’ai perdu la routine, la parure confortable d’un chemin tout tracé. L’enveloppe.
La nuit je brille. La lune me voit nu. Je ne suis plus si fort, tu sais.
Sombre.
II
à la menace invisible
Se préparer
Chevaucher le vent
Croire à l’exil
S’inventer
Renoncer
S’arc-bouter
Le corps tendu
Prêt à jaillir
Vers
Contre
On s’en fout
Surgir
De toutes les matières
toujours mobile
Rêver
De courir
Comme un fou
Chercher
Franchir la foule
Se déchirer
Bras tendus
Traînants
Dépasser la ligne
Crevé
Assoiffé
Heureux
Taire
Délicate indiscrétion
Lorsque les yeux rangés
La nuit
Ton corps le mien
Mon corps
La nuit
Là
Noire
Sombre
Ne fait pas de bruit
Ne fais pas de bruit
J’entends par la paroi
La plainte des loups
La perte du berceau
Je voudrais savoir
où
Mettre les pieds
Les cailloux de la route
les Hordes
Avant que de me battre
Seulement l’eau plus loin
Note unique
Dans l’élan restant
Goutte
Respire
Par ta bouche
Par là
Les mots de ta langue
Naissent
De la rosée
S’envolent
En papillons striés
Aux yeux de billes
En battements à dire
Des ailes de soi
Et si simplement
Ceux là t’atteignent
Je veux parler
Des mots de ma langue
Alors enfin
Je fermerai mes lèvres